Carla Lonzi achève Crachons sur Hegel durant l'été 1970 et signe avec ce livre une rupture intellectuelle, artistique, politique et existentielle, qui s'accompagne d'un tournant décisif dans sa vie personnelle. Carla Lonzi considère que l'oppression des femmes et le dualisme homme-femme sont constitutifs de la culture occidentale. La dialectique maître-esclave de Hegel, et à sa suite le marxisme, ne font que mettre en sourdine l'oppression encore plus radicale qui réside dans le rapport homme-femmes et qui "se cache dans les ténèbres des origines". C'est la culture patriarcale qui est dialectique. Carla Lonzi oppose à cette vision un mouvement de sortie décisif, qui exige de passer de l'autocritique à l'imagination, de la domination culturelle à la déculturation active. Si la survie est une valeur, alors la femme doit se reconnaître comme immanence, là où l'homme est transcendance et abstraction et néglige la vie. Ce qui existe est le présent, non le but. Le mouvement féministe des années 1970 trouve avec Carla Lonzi et son groupe Rivolta Femminile des femmes capables de renverser le sens des choses, et ce même à l'intérieur d'un mouvement historique de transformation des moeurs qui ne parvenait pas à briser le tabou ancestral de l'asservissement des femmes ; le sujet imprévu - relatif, aurait ajouté Simone de Beauvoir. Rendre la femme à elle-même est le parcours que Carla Lonzi dessine avec ce livre.