Nous voici au coeur de la résistance et de la création tout à la fois. Défier le récit des puissants, c'est défier ces films «parfaits» formatés par Hollywood, faisant de nous des citoyens passifs, dociles, sans esprit critique. Car il y a bel et bien une esthétique de la soumission.En revanche, y a-t-il une esthétique de la résistance ? Ken Loach répond «oui». Mais soyons clairs. S'il est un des rares aujourd'hui à assurer que la lutte des classes est toujours aussi vivante, il ne cède jamais pour autant à la propagande. Il dit : «Je ne filme jamais un visage en gros plan ; car c'est une image hostile, elle réduit l'acteur, le personnage à un objet.» Or on peut faire ce qu'on veut d'un objet, l'exclure, l'expulser... Mais si la caméra est comme un oeil humain, alors elle capte toutes les présences, les émotions, les lumières, les fragilités. Et nous devenons tous des «film makers».Sylvie Crossman et Jean-Pierre Barou