Qu'en pleine ville soudain le cri d'un corbeau résonne comme une alerte ou que le regard rêveur à la vitre du train se perde dans les détails du paysage happé par la vitesse, quelque chose semble faire signe, incidemment, dans cette fuite, ce décalage. Les choses sont là, à leur place habituelle, et pourtant il émane d'elles une étrange lumière, leur ombre oblique les prolonge vers un autre espace pressenti, qu'elle entrouvre. Cette sensation d'une fêlure, d'une brèche dans le monde commun est ici l'objet de la quête poétique. Par l'élan de l'écriture, parfois la simple description en acte, l'auteur espère entrevoir à nouveau ce passage secret, et le faire entrevoir seulement, car il sait que ses mots et ses images n'auront qu'un pouvoir limité. On aura senti peut-être, au passage, ce qu'a pu être l'ébauche d'un autre monde inabouti. Le cri d'un corbeau au-dessus de la ville a réveillé le corbeau de tous les poètes. Leurs ombres rameutées dans le ciel de la page blanche vont aider à réécrire le monde.