««Un jour mon grand-père est mort. D'un coup. D'un coup de feu de guerre. Mort assis contre un arbre. C'était l'été.» Il n'eut pas le temps de devenir un «poilu», d'avoir barbe et poux. En le tuant on a aussi tué son enfance dont nul ne sait plus rien cent ans plus tard. Je sais encore la mienne dans la guerre suivante. Je sais encore mon adolescence et les avions de guerre froide. Je sais comment les griffes de la guerre d'Algérie m'ont épargné. Je sais aussi que toute enfance gommée m'a mené aux enfances vives de Bosnie, du Liban, ou à ma porte. Mon fusil à moi tire sur elles dans des livres dont les éclats ne sont que rires ou tendresse au chevet de la vie. Ainsi je cours le monde en lui offrant le mien, écrit ou dessiné. Ne croyez pas que je sois centenaire mais il est des morts qui vous font vivre vieux.» Pef