Un village estonien, sur la presqu’île de Noarootsi, au coeur de l’ancienne «zone de protection frontalière» de l’Empire V soviétique. C’est là que Sigrid Rausing a séjourné entre 1993 et 1994 pour compléter sa thèse de doctorat en anthropologie par une étude de terrain. Sur une côte bordée de tours de guet à l’abandon, parmi les champs en jachère de la ferme collective «Lénine» qui occupait autrefois tout le village, les habitants sont en train de vivre la transition démocratique : de l’oppression à la liberté et de la misère des pays satellites à l’austérité postsoviétique. Dans ce texte à l’écriture lumineuse, Sigrid Rausing mêle l’histoire, l’étude politique et le récit de voyage, rapportant ses conversations avec les villageois, dont certains appartiennent à la minorité suédoise d’Estonie. Les privations et l’apparition déconcertante de produits occidentaux, les espoirs et les griefs, la question de la restitution des terres confisquées par les nazis, d’abord, puis par les Soviétiques, font l’ordinaire de ces échanges, et à travers eux, c’est une figure en raccourci qui se dessine, celle de l’homme aux prises avec le totalitarisme.