Il y a des jours où décidément, la peau d'un autre vous irait comme un gant. Miki, la cinquantaine sans gloire, en est à l'heure du bilan d'un désastre ordinaire - celui de sa propre vie. Publicitaire standard qui s'était rêvé artiste maudit, il y a bien longtemps qu'il a cessé d'aimer sa femme. Notre héros sans histoire, mi-amer mi-ironique, n'a pas pour autant le courage de se prendre en main pour inverser l'ordre des choses.
Et pourtant, un hasard improbable lui offre la possibilité de tout changer : dans un luxueux hall d'hôtel où Miki est confortablement assis, on demande au téléphone un certain Monsieur Sapiro - éminent faussaire qui a les meilleures raisons du monde pour ne pas répondre à l'appel. Ce Monsieur Sapiro qui doit justement livrer la copie du fameux triple autoportrait de Johannes Gumpp à un riche amateur d'art. Miki hésite, tergiverse, se lance : Monsieur Sapiro, ce sera lui !
Dès lors la fiction, semée d'imperceptibles incohérences, laisse sans cesse planer le doute sur les activités fantasmées ou réelles du narrateur. Avec Monsieur Sapiro, Benny Barbash pousse à l'extrême la logique diabolique des jeux de miroir, pour l'étendre à tout le roman - par une construction tourbillonnante qui nous embarque dans un dédale d'interprétations toutes plus jubilatoires les unes que les autres.