Résumé
De la mise au pas du travail social...Avec son tissu associatif composite et ce qui pouvait y perdurer de structures informelles, de relations de face-à-face et de prolongement de culture militante, le secteur social a longtemps passé pour un milieu un peu à l'écart du marché. Aujourd'hui, assailli par la raison calculante, il n'est plus épargné. Depuis quelques années, les ministères martèlent que le nombre d'associations devra être divisé par dix et diminuent les subventions publiques - jetant les bases d'un marché de l'aide sociale. À la faveur de la loi sur le mécénat, les fondations d'entreprise, en quête de faire-valoir éthiques, investissent le monde associatif et expérimentent de nouvelles stratégies sur le terrain de l'économie sociale et solidaire. Après les réformes menées dans le secteur médical, dont un consultant nous livre ici les ficelles, le travail social est donc soumis au même processus d'industrialisation : concentration, restructurations, mécanisation du travail et, sous couvert de démarche qualité, production incessante de chiffres...à l'essor d'un mouvement populaire de solidarité avec les migrants Mai 2015, XVIIIe arrondissement de Paris : un campement de 400 migrants en majorité soudanais, afghans et érythréens est évacué par les forces de l'ordre. Au printemps 2016, la mairie de Paris ouvre un centre humanitaire Porte de la Chapelle qui s'avère avant tout un centre de tri entre « dublinés », destinés à être renvoyés vers leur pays de transit, et « non-dublinés », qui débutent leur procédure d'asile. Les campements de fortune regroupant parfois des milliers de personnes continuent à se multiplier dans le quartier et à être régulièrement évacués dans la violenceAujourd'hui, que ce soit sous le métro entre la Chapelle et Stalingrad ou sur l'avenue de Flandres, toutes les allées piétonnes sont grillagées, interdites d'accès, et même les squares pour enfants restent fermés au publicEn quelques années, face à l'arbitraire des politiques migratoires et des dispositifs de prise en charge étatique, un large mouvement de solidarité hétéroclite et spontané s'est constitué dans la capitale pour réaliser un travail social informel, bénévole et concret à côté ou en marge de celui des professionnels : distribution de repas, de vêtements, de couvertures