Les années 1980 évoquent quelques images rutilantes : les années fric et l'entrepreneur héros, les années strass et leurs stars kitsch, Le Pen et Touche pas à mon pote ! , Jack Lang et la fête de la musique, Jacques Séguéla et sa génération Mitterrand , Bernard Tapie et les Restos du coeur, le Minitel et les pin's, le cynisme des ex-gauchistes parvenus au pouvoir et la bien pensante charity-business... Que reste-t-il de cette décennie, qui est d'abord celle de l'affaiblissement général et d'un grand renoncement ? Pourquoi apparaît-elle à ceux qui l'ont vécue comme un cauchemar intellectuel et politique ? dans quelle mesure les années 1980 permettent-elles de comprendre la France d'aujourd'hui ? François Cusset montre que cette décennie digne avant tout la disparition de tout sens critique : des experts se mettent à professer le marché comme fin de la politique, des intellectuels médiatiques discourent en choeur sur la fin des idéologies et délivrent des sermons simplistes sur le mal et le sens de la vie . On a vu ainsi triompher une idéologie réactionnaire d'un genre nouveau. La télévision, devenue le coeur de l'espace public, a commencé à diffuser le bavardage publicitaire qui lui tient lieu de vision du monde. Derrière le basculement des années 1980, et tout ce qu'elles nous ont légué, on trouve des intellectuels d'Etats et des idéologues télévisuels, quelques moralistes de plume et sociologues de la pub. C'est sous ces crânes, dans ces écrits, au fil de ces discours aux sources variées, des tubes aux essais, des romans aux slogans, que François Cusset est parti traquer la vérité de cette décennie terrible. Mais il montre aussi comment la pensée critique a continué son travail souterrain, pour ouvrir, au milieu des années 1990, de nouvelles perspectives intellectuelles et politiques.