Ida Zmoïro avait connu la gloire très jeune, dès sa première apparition au cinéma. La Seconde Guerre mondiale sévissait alors et les soldats soviétiques avaient été bouleversés par cette beauté juvénile portée à l'écran. Des sacs entiers de lettres d'amour lui parvenaient depuis le front, elle était la plus grande comédienne que l'Union soviétique connaîtrait. Mais en 1943, alors qu'Ida est en route vers un tournage, un terrible accident de voiture met brusquement fin à sa carrière : la splendide actrice est défigurée. Si elle remonte sur scène pour jouer La Mouette de Tchékhov, elle s'exile bientôt en Angleterre où elle passera plusieurs années avant de revenir en Union soviétique grâce à l'intervention de Staline, qui lui interdira pourtant de rentrer à Moscou ; elle finira par s'installer dans la petite ville de Tchoudov. Il est trois heures du matin lorsque Ida Zmoïro, à présent âgée de quatre-vingt-cinq ans, se traîne jusqu'au commissariat avant de s'effondrer. Sa mort inexpliquée intervient quelques jours seulement après la disparition de plusieurs «colombes», ces jeunes filles qui suivent les cortèges funèbres, un oiseau au creux des mains. Ida les connaissait bien, elle leur enseignait la danse, leur apprenait à se coiffer, à s'habiller et à se maquiller. Mais qui pourrait s'en prendre aux «colombes» et à la belle actrice au sang bleu ? Ce sang bleu et froid qui est la marque des plus grandes, ce sang bleu «qui oblige l'artiste à considérer son ouvrage d'un oeil critique, à supprimer le superflu et à rajouter l'indispensable». A travers cette enquête, Iouri Bouïda nous livre un récit foisonnant de destins violents, parfois déchirants, qui s'entrecroisent autour de la tragédienne au visage balafré. La mouette au sang bleu est un roman sombre et puissant, un texte construit avec maîtrise dans la grande tradition romanesque russe.