Je n'ai pas assisté à l'enterrement de ma mère. Pendant une interminable année, des assauts de culpabilité m'ont rongé. Il m'a semblé, pour en sortir, qu'un catafalque de papier me permettrait non point d'ensevelir la disparue, mais de reconstituer son existence et de m'apaiser. L'ancienne danseuse qui ne savait ni lire ni écrire s'est alors redressée, telle qu'elle avait toujours été, opiniâtre, énergique et tournée vers un impératif : faire de chacun de ses nombreux enfants un être accompli. En écrivant ce qu'elle a aimé, détesté ou combattu, m'est bien sûr revenu notre secret