Le facteur sortit. Bram, intrigué, déchira l'enveloppe et, sur un feuillet minuscule, il lut de la même graphie soignée : Abraham, ta femme te file entre les doigts ! Tu as des yeux et tu ne vois pas. L'unique qui ait pitié de toi. Dérouté par cette lettre anonyme, Abraham Steinberg l'est d'autant plus que le 4 Août 1968 marque un funeste anniversaire, celui du jour où, enfant, sa famille fut déportée, le laissant seul rescapé avec sa culpabilité. Gardant discrètement ses souvenirs pour lui-même, il a repris avec Esther, une épouse aussi séduisante qu'attentionnée, la Quincaillerie générale de Mormédy, paisible bourgade belge dont il est devenu un notable. Ce coup de tonnerre dans un ciel dégagé va mettre les nerfs de Bram à rude épreuve au cours des sept jours qui constituent la chronique de ce roman. Armel Job dresse le portrait d'un couple que les aléas de la vie remet tout à coup en question, effritant l'habitude, invitant le doute. Il convie également le lecteur à un voyage dans les années 60 et ses moeurs, son climat social, admirablement rendu avec humour et tendresse. Les Eaux amères, c'est cette belle histoire d'un amour ordinaire, toute en pudeur et subtilité.