En 2011, d'impressionnants soulèvements populaires contre les dictatures ont bouleversé le monde arabe. À la joie et à l'espoir ont souvent répondu la terreur et la violence des régimes autocratiques. Une décennie après ces « printemps arabes », quel regard peut-on porter sur eux comme sur ces répressions ? C'est une réponse originale à cette question qu'Hamit Bozarslan apporte dans ce livre, où il mobilise de façon très accessible les résultats de longues années d'enquêtes sur les sociétés de la région.Il rend compte d'abord des origines des dynamiques émancipatrices surgies en 2011. Mais aussi de la radicalisation des processus destructeurs en oeuvre au Moyen-Orient depuis des décennies, de la transhumance djihadiste aux luttes hégémoniques des grands acteurs régionaux (Arabie saoudite, Iran et Turquie). Et il montre que si la passion de l'égalité, de la liberté et de la dignité s'est exprimée avec force dès 2011, avant d'être renouvelée en Algérie, au Soudan, en Irak et au Liban, les risques d'une restauration autoritaire, ainsi que d'une transformation de certains États arabes en forces miliciennes, ont très tôt été présents. Ainsi, en Syrie, mais aussi en Libye et au Yémen, le Léviathan autoritaire a cédé la place à Béhémoth, dont l'ultime dessein est de détruire la société. Dans cette dynamique du pire, l'aveuglement et le cynisme des démocraties occidentales n'a pu que favoriser l'émergence des « monstres » dans le monde arabe.