C'est un dialogue bouleversant et dérangeant que propose Éric Fottorino dans La Pêche du jour. D'emblée s'installent le malaise, l'inconfort et le questionnement, jusqu'à la nausée. Qui parle ? Pourquoi ce mélange de cynisme, d'indifférence, d'impuissance, entre deux personnages réunis sur le port de Lesbos, en Grèce, évoquant d'un ton lapidaire le destin des migrants. L'un est un étrange pêcheur qui fait commerce de leurs corps sans vie. L'autre un curieux client dont on ne sait s'il veut acheter ces cadavres, ou se racheter. Nous racheter.Car c'est le miroir de nos renoncements que nous tend ce récit âpre et violent, aiguisé comme une lame, où les mots sont autant d'incitations à nous réveiller. Des mots qui pourrissent de ne plus servir : accueil, entraide, secours, chaleur. Des mots qui n'ont rien à faire ensemble, comme crime de solidaritéÀ travers cette fable cruelle, l'auteur interroge notre humanité perdue en se demandant si nous n'avons pas cessé d'être humains. Au moment où le sort des réfugiés est sans cesse instrumentalisé, où des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants meurent de traverser la Méditerranée parce qu'ils veulent vivre, La Pêche du jour est un texte d'intervention pour réfléchir, pour s'indigner, pour agir.