À l'hospice, il y a toujours des inclassables, des bougons qui morigènent la malbouffe ou l'attendrisseur ; ils ont pourtant été des ceps vaillants, des julots gaillards qui savaient jouer à l'occasion à l'apache ou à la gâchette, des marinettes qui vous concoctaient des ravigotes de folie. Les lettres de noblesse ne se nichent pas dans des listes à rallonge. Les arbres au grand âge ne l'ont pas toujours été. Quel était le geste fondateur de celui qui a planté au milieu d'un champ ce micocoulier d'un autre millénaire, à un jet de fronde de Céret, dans les Pyrénées-Orientales ? Qui a plaidé, au bord de cette terrasse, pour un figuier ou un acacia, malheureux s'il en est ? Quel vaguemestre nous donnera des nouvelles d'une enfilade de peupliers de la vallée du Jabron ? Qui sait si, à Tübingen, le saule pleureur au bord du Neckar qui voyait Hölderlin guetter son ombre trouée n'a pas décidé des pages volantes arrachées à sa sieste ?