Résumé
Ce soir de décembre 1889, sur les quais de Cadix, la silhouette d'un petit homme entre deux âges, coiffé d'un feutre fatigué, trop étroit pour son front imposant, attire les regards. Charles Sannois, qui se prétend négociant en vin, a fui Paris, le deuil de sa mère et une épidémie de grippe asiatique se propageant dans le monde entier. Il attend d'embarquer pour les Canaries, aspirant à l'azur et à la paix.Pendant ce temps, la panique gagne à l'opéra de Paris : le compositeur d'Ascanio, le célébrissime Camille Saint-Saëns, aussi craint qu'il est adulé, a disparu depuis sa énième dispute avec le directeur de l'établissementL'oeuvre n'est pas achevée, la mezzo exigée par le maître fait faux bond, rien n'est possible sans lui, or l'impression des programmes est en coursÀ Las Palmas, celui dont on comprend qu'il n'est autre que le compositeur dont l'absence suscite les rumeurs les plus folles dans les journaux de son pays, savoure sa solitudeSaint-Saëns alias Sannois a besoin de panser ses blessures : la mort de sa mère adorée a ravivé le chagrin d'autres pertes, celle de son ami et mentor, mais celles également de ses deux enfants en bas âge, nés d'un mariage de convenance qui n'a pas tardé à se déliter. Cet homme à la vie trépidante, figure majeure de la Troisième République, à la carrière artistique au faîte de sa gloire, renoue avec les joies simples d'une vie anonymeMais la musique lui manque et quand, à la faveur d'une promenade dans la vieille ville, il entend jouer, plutôt bien, sa Danse macabre, il ne résiste pas à l'envie de faire irruption dans la riche demeure d'où s'échappe la mélodie au piano. Sa rencontre avec le jeune portier, que son arrivée impétueuse prend de cours, va changer le rythme de ses joursJonay lui servira de guide jusqu'à l'inéluctable terme de son séjour, lui dévoilant la puissance tellurique et sensuelle de son île. La parenthèse solaire du musicien en mal de consolation se transforme vite en un pas de deux entre ces êtres que tout semble séparer... Mais la sensibilité à fleur de peau et la clairvoyance du jeune homme, qui a su percer à jour la tristesse de son compagnon, ne vont tarder à abolir les distancesTrois mois après son arrivée, Saint-Saëns, dont l'absence fait toujours la une de la presse, est reconnu par une touriste, qui met ainsi un terme à son échappée. Elle aura donné lieu, sous la plume allègre de Vincent Borel, à un somptueux portrait de l'artiste renaissant à luimême sous l'intense lumière de l'Atlantique.