Résumé
Quelque chose ne tourne pas rond dans nos assiettes. Alors que l'obésité ne cesse de progresser dans les pays riches comme dans les pays pauvres, la faim dans le monde touche encore aujourd'hui 800 millions de personnes, au Nord comme au Sud. Et selon qu'on vit à Paris ou à Abidjan, en centre-ville ou en périphérie, qu'on est un cadre surinformé ou pas, nous n'avons pas le même accès à des aliments de qualité, en quantité suffisante.L'agriculture est une activité formidable pour préserver et façonner le paysage, qui pourrait aussi jouer un rôle capital dans le stockage du carbone atmosphérique (avec un bénéfice important pour la qualité des sols). Or elle est aujourd'hui responsable d'un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre liées à l'activité humaine. Les modes de production intensifs et mobilisant de nombreux intrants chimiques provoquent la dégradation des écosystèmes, des sols et de la biodiversitéEn France, alors que les agriculteurs bénéficient année après année d'environ 9 milliards d'euros d'aides publiques via la politique agricole commune (PAC), l'argent du contribuable est loin d'avoir pour contrepartie une alimentation dont les conditions de production répondent à l'intérêt collectif. Et ces subventions ne permettent pas de maintenir l'emploi des agriculteurs, dont le nombre ne cesse de baisser. La consommation de pesticides, malgré les promesses du Grenelle de l'environnement en 2007, progresse encore. De même, au-delà de nos frontières, beaucoup trop de personnes souffrent de sous-alimentation, dont une majorité de familles paysannes, alors que nos produits agricoles subventionnés continuent à concurrencer les leurs. Autant de questions qui devraient être au coeur des très attendus Etats généraux de l'agriculture et de l'alimentation, qui se tiennent depuis cet été et jusqu'à fin novembreFace à ces contradictions, il est essentiel aujourd'hui de se demander quelle est la valeur de ce que nous mettons dans nos assiettes, remplies de produits issus de filières de plus en plus industrielles et menant à des impasses écologiques et sociales. C'est ce que nous vous proposons dans ce numéro, notamment réalisé à l'occasion du festival Alimenterre, avec le soutien de l'Agence française de développement, du Comité français pour la solidarité internationale et de la Fondation Daniel et Nina Carasso. Notre dossier répond à la fois à des questions de fond et aux interrogations pratiques des consommateurs, tout en valorisant des initiatives au Nord et au Sud. Car l'alimentation est un enjeu transversal, à la fois économique, social, sanitaire et environnemental, qui pose des questions de solidarité et de coopération internationale.