Un dirigeant chinois promis à devenir, à court terme, l'homme le plus puissant du monde doit se prévaloir de solides convictions. Fort de ses ambitions colossales, mais toujours prêt à endosser les "habits neufs" du Grand Timonier, Xi Jinping, secrétaire général du Parti communiste chinois, est bien conscient que remplacer Les Citations du président Mao Tsé-ttoung, le fameux Petit Livre rouge, par les Entretiens de Confucius ne suffit pas. Le corpus idéologique doit être à la hauteur de l'enjeu. Selon Xi, "la tâche principale pour les sciences sociales et philosophiques est non seulement de maintenir le marxisme comme notre idéologie directrice, mais aussi de s'engager dans une critique significative des "valeurs universelles", du concept de "démocratie constitutionnelle", du néolibéralisme, du nihilisme historique, du socialisme démocratique et autres idéologies erronées. Nous devons avoir une foi infaillible dans le socialisme à caractéristiques chinoises". Ce marxisme droit dans ses bottes doit réussir sa synthèse avec la tradition chinoise illustrée par Confucius ou Mencius, mais aussi par Han Fei (mort en 233 av. J.-C.). Cette réhabilitation de la pensée du philosophe favori de Xi Jinping, concepteur du légisme, qui prône la primauté de la peur, de la force et du contrôle pour servir l'autorité, fait dire à certains que l'on assiste à l'avènement d'un "nouveau totalitarisme de marché", un totalitarisme adapté au XXIe siècle - le prix à payer pour le "rêve chinois". Ce qui donnerait enfin raison à Napoléon, qui aurait prédit en 1816 : "Laissez donc la Chine dormir, car lorsque la Chine s'éveillera le monde entier tremblera."