En 1970, à quarante-cinq ans, Yukio Mishima, le plus brillant écrivain de sa génération, déjà auteur d'une quarantaine de romans, de dix-huit pièces de théâtre, de vingt volumes de nouvelles et d'essais, trois fois pressentis pour le prix Nobel, horrifiait le monde entier en se suicidant en public par hara kiri : après qu'il eut enfoncé un sabre dans son abdomen et commencé à s'éventrer, un jeune officier qui l'assistait a achevé le rituel en lui tranchant la tête. C'était la conclusion épique et sanglante d'une vie tout entière gouvernée par une quête éperdue de pureté et de sublime. Deux ans plus tard, John Nathan entreprenait la biographie de cette figure hors du commun, qu'il avait un moment fréquentée avant de s'en éloigner. L'ouvrage, paru il y a un demi-siècle et republié aujourd'hui révisé et enrichi d'une préface inédite de l'auteur, reste un phare dans l'océan des études consacrées à l'auteur de Confession d'un masque. Nourri des témoignages directs de Mishima lui-même, de sa veuve, ses parents, ses proches et de nombreux documents jusque-là inaccessibles, il restitue le portrait complexe, volcanique, de cet homme tourmenté épris d'absolu. Décrit la vie apparemment ordinaire d'un époux et père travaillé par les démons. Explore le génie et la manière d'un écrivain aux multiples registres. Interroge l'homosexualité et les pulsions masochistes qui l'habitaient, son obsession de la mort, son ambition de se constituer en légataire de la tradition japonaise du beau. Et met en miroir son goût de certaines choses modernes et son attachement à la tradition impériale, son hostilité à la démocratie moderne comme à la corruption des traditions nationales par la culture occidentale.