Résumé
Gabriel Randon, dit Jehan Rictus, né en 1867 et mort en 1933, connaît une enfance difficile et conflictuelle, il quitte l'école vers quatorze ans, vit de petits métiers divers et commence à fréquenter le milieu des artistes et anarchistes de Montmartre. Menant une vie précaire, sanslogis pendant un temps, il fréquente à vingt-deux ans le monde des clochards et des vagabonds, expérience cruciale qui lui inspirera le meilleur de son oeuvre littéraire. Il a vingt-huit ans quand il entreprend en effet de donner la parole au petit peuple des rues et des déclassés dans des poèmes entièrement écrits dans sa langue, l'argot parisien. Ce sera Les Soliloques du pauvre qu'il fait connaître en les disant luimême dans les cabarets montmartrois, au Chat noir notamment. Livre inclassable, sans équivalent dans l'histoire de la poésie, ce recueil qui connaît un succès immédiat en raison de sa force lyrique, de sa puissance oratoire et de sa maîtrise prosodique est sans doute, après Villon et avant Prévert ou Queneau, un des rares exemples d'une poésie qui use de la langue populaire et il préfigure d'une certaine façon le rap contemporain. Nous y avons adjoint le recueil Le Coeur populaire, écrit dans la même veine. C'est Nathalie Vincent-Munnia, universitaire spécialiste de la littérature populaire du XIXe siècle, qui a établi l'édition de ces deux recueils et le glossaire qui permettra au lecteur d'aujourd'hui de se familiariser avec l'argot truculent de Rictus. On trouvera à la fin du volume un lien vers l'enregistrement que fit Rictus de ses poèmes chez Polydor en 1931, extraordinaire document sonore disponible sur le site de la BNF « Ah ! nom de Dieu, v'là que tout r'commence. L'Amour, y « gonfle tous les coeurs », D'après l'chi-chi des chroniqueurs, Quand c'est qu'y m' gonflera... la panse Quand c'est qu'y m' foutra eun' pelure, Eun' liquette, un tub', des sorlots. Si qu'a fait peau neuve la Nature, Moi, j' suis cor' mis comme un salaud Mes chaussett's ? C'est pus qu' des mitaines ! Mes s'mell's ? Des gueul's d'alligators. Ma reguingote a fait d' la peine Et mon phalzar, y m' fait du tort ! » Extrait de Le Printemps (Les Soliloques du pauvre)