Résumé
Autour d'une « autre littérature », la question n'est pas tant de proposer on ne sait quelle littérature alternative que de remettre en cause l'évidence de ce qu'est « la » littérature fabriquée par les institutions centrales et dominantes de la vie littéraire. Ce qui consacre « la » littérature comme telle, c'est une façon de renvoyer toutes les alternatives à la diversité du pluriel et à la singularité des étiquettes : « les » autres littératures, qu'elles soient définies par leur public et des formes littéraires supposées lui convenir (littératures populaires, policières, de science fiction, à l'eau de rose, enfantines), par le monde social qu'elles décrivent et la manière dont elles le font (littérature populiste, réaliste) ou encore par l'origine sociale de ses auteurs (littérature ouvrière, prolétarienne). Ce qui passe pour « la » littérature est « une » littérature parmi beaucoup d'autres possibles. Il s'agit notamment de montrer combien une autre littérature pourrait être plus critique, plus politique, moins socialement exclusive.Ainsi, il existe une représentation dominante de la littérature et, loin de s'imposer comme par nature, cette littérature est le résultat d'un travail de légitimation et de discriminationLes prix littéraires, les revues, les festivals, prescrivent ce que doit être (ou ne pas être) la littérature. Ce travail est discret, rarement explicite. Parmi ses outils les plus efficacesL'oubli et le stigmate. Oubli du passé et des moments où existaient des manières de concevoir la littérature très différentes de ce que l'on constate aujourd'hui. Stigmate de la relégation dans les genres dits mineurs, qui sont souvent à la fois des refuges du discours critique et une manière de les neutraliserC'est en suivant ces trois approches que sont l'histoire, la hiérarchie des genres et le constat des travers de « la » littérature actuelle, et en faisant appel aux écrivains eux-mêmes, que ce numéro explore les voies d'une autre littérature.