« Je suis un migrant, un chien mille fois blessé qui sait explorer une ville. Je sors et je fais des cercles autour de mon immeuble. Je renifle les bars et les restaurants ».Velibor Colic poursuit ici l'entreprise commencée avec son Manuel d'exil : un vagabondage autobiographique, une sorte de bildungsroman alliant une fantaisie mélancolique typiquement balkanique à une réflexion tourmentée et lucide sur l'exil. Héritier de Cortázar (pour l'invention surprenante, l'agilité des métaphores), de Pérec (le goût des listes et des inventaires), de Fante ou Bukowski (pour l'empathie avec les faibles et les marginaux, les déjantés, les solitaires, les excessifs - et le goût pour les alcools forts), Colic parle magnifiquement du sentiment de déréliction des migrants. Son récit reproduit l'errance désespérée de ceux qui ne trouveront jamais vraiment leur demeure. Il évoque aussi ses rapports avec les institutions, les administrations, les psychiatres et bien sûr les écrivains. Et avec les femmes, qui tiennent une grande place dans le récit bien qu'elles aient souvent été source de frustration et de désir ardent plus que de bonheur. C'est parfois déchirant, mais c'est aussi constamment drôleHommage palpitant à la littérature et à la langue française, ce livre vibre d'une tristesse tempérée par l'ironie et par un sens de l'absurde propres à ceux qui ont traversé des épreuves indicibles.