Jeanne, Je pars demain pour Damas. Voilà tant d'années que je ne suis pas allé voir la guerre pour montrer son visage. Et j'ai peur, de nouveau, depuis ce que j'ai vu au Rwanda, peur de ne pas réussir à capter son regard, peur de ne faire que des instantanés qui ne montrent pas la guerre et ne représentent que ses fruits. Alors, tout en livrant aux agences ces clichés mineurs qui feraient les unes de la presse, j'ai prolongé une oeuvre, restée secrète, constituée de quatre négatifs. Ce que cette oeuvre donne à voir et que tu seras la première à découvrir ne se réduit à rien. Elle ouvre une dimension vertigineuse sur notre nature humaine.Je te confie ce travail et te demande de le présenter à Gilles Lespale. Il tient une galerie sur les quais de Seine. Va le voir. Dans chacune des enveloppes, tu trouveras un négatif, le journal que j'ai tenu durant cette période, ainsi que des notes. Je n'ai réalisé aucun tirage papier de ces négatifs. Tu es seule détentrice des images. Mais s'agit-il encore d'imagesPardon d'ajouter du mystère à ta peineEt lorsque tu liras cela, sache que je serai à tes côtésEnguerrandRwanda, Bosnie, Afghanistan, IrakUne quête, une enquêteQuatre carnets de guerre, quatre négatifsQuatre jours, un huis closUne oeuvre hors du commun, à la frontière de l'horreur et de la beauté.