Moins qu'un chien Être moins qu'un chien c'est, dit Charles Mingus, être noir et musicien de jazz dans une Amérique blanche qui ne quitte l'indifférence ou le mépris de la communauté noire que pour piller ses valeurs culturelles. C'est, heurté aux refus et vexations, à la dépossession, comprendre très vite que, si l'on n'accepte pas de se plier aux codes esthétiques dominants, si l'on est porteur d'un monde aussi neuf et intransigeant que l'oeuvre mingusien, l'on ne pourra jamais vivre correctement de sa musique, qu'il faudra au contraire trouver tous les moyens de survivre pour lui permettre de se faire entendre. Être moins qu'un chien c'est, tout en luttant contre le pouvoir blanc par la charge revendicative de la création, être forcé, dans le quotidien, de jouer son jeu. « Ma musique est vivante, elle parle de la vie et de la mort, du bien et du mal. Elle est colère. Elle est réelle parce quelle sait être colère. » Quand la rage de Mingus passe par les mots, cela donne cette fresque corrosive qu'est Moins qu'un chien, cynique souvent, impitoyable pour soi, mais surtout pour ceux qui oppressent ou transigent.