Résumé
Il est difficile de se représenter aujourd'hui l'ampleur du succès des Mystères de Paris. Du 18 juin 1842 au 15 octobre 1843, la publication en feuilleton dans Le Journal des Débats bouleverse l'opinion, toutes classes sociales confondues.Au point de départ de cet extraordinaire succès, on trouve le libraire Gosselin : il apporte à Sue une publication anglaise qui dépeint les mystères et misères de Londres. Gosselin suggère qu'un tel ouvrage sur Paris aurait de grandes chances de succèsSue se met alors au travail, il achète une casquette, une blouse, de gros souliers. Il s'initie aux tapis-francs (débits de boisson), découvre la « mansarde » et fait les comptes au sou près d'une jeune couturière, il va aux barrières, dans les asiles, les prisons. Il comprend la différence entre vivre et survivre. Il examine les garnis, traîne dans les cabarets, assiste aux réunions d'ouvriers. « Pour comprendre, j'ai besoin de voir, de toucher », écrit-il à Marie d'Agoult. Il voit et c'est la « conversion », il comprend et ce sont Les Mystères de ParisIl choisit pour scène principale et pour « héros » du feuilleton la Cité (bientôt rasée par Haussmann, qui comprendra le caractère dangereux et criminel de ce dédale de ruelles) et son petit peuple, humilié ou criminel et parfois les deux. Le feuilleton, conçu comme un opéra noir, est impossible à lâcher : le miracle de ces personnages, dont on voit pourtant quels stéréotypes les animent, c'est qu'ils deviennent nôtres et que nous voulons aujourd'hui, avec autant d'impatience qu'en 1842-43, connaître la suite de leur destinAvec Les mystères de Paris, Eugène Sue a accompli le grand polar social du XIXe siècle, avec ses personnages inoubliables : le Chourineur, La Chouette, Fleur-de-Marie, le Maître d'école, Rodolphe, Murph, Sarah, la comtesse d'Harville, M. et Mme Pipelet, l'abbé Polidiri