Soit Félix, drille anxieux et labile, personnage introspectif et timoré, un succès littéraire au compteur, obligé néanmoins de gagner son pain en tartinant articles tendance et reportages marioles sur la maroquinerie de luxe ou les coloquintes. Félix, dans la vie, a un ennemi et une crainte : le premier s'appelle « l'ordre des choses », une bête coriace dont le venin transforme tout, et surtout ce que l'on redoute, en une obligation universelle : « On n'était pas tenus par je ne savais quel décret naturel de répandre ses gènes aux quatre vents à l'imitation de la semeuse des dictionnaires Larousse » - la seconde est bien sûr le démon « fécondation » descendu sur terre avec son cortège de ventres bombés et son palmarès de nuits en miettes, d'enfançons criards et de charges parentales. D'où une panique certaine et taraudante dès que Bambi, sa très charmante compagne, cadeau du ciel livré par montgolfière lors d'un voyage en Turquie, s'avoue être en désir de postérité. Sa belle tirant des plans sur la gamète, Félix ne voit qu'une échappatoire : « fuir, là-bas fuir », échapper à la vision terrible de cette « jeune femme allaitant son enfant ». Replié loin de Paris au sein de la famille Zébulon qui ravaude une commanderie templière, Félix entre en effervescence à la vue de Sabine avec qui il s'offre une douce passade. Après bien des rebondissements, Félix se retrouvera à la case débat, celle de l'éternelle question : en avoir ou pas ! Au fil zigzaguant de ce marivaudage virtuose et de ce monologue incessant, Jean-François Pigeat la pose sans y répondre, scrutant ses personnages avec amour et tendre malice, dans le droit fil d'un Woody Allen ou d'un Dino Risi.