Avant le 25 avril 1974, l'Europe commençait à partir de la frontière espagnole, derrière les dictatures les plus vieilles du continent. Aussitôt après le 25 avril, tout change. L'avenir se trouve désormais au sud des Pyrénées : il commence à Lisbonne. Sept mois seulement après le coup d'État militaire du 11 septembre 1973 au Chili, un peuple européen triomphe et fait trembler la structure de l'accumulation capitaliste. Si aujourd'hui c'est le Chili qui reste gravé dans les esprits, c'est parce que la société actuelle et le rapport des forces sociales font pression pour que les bons exemples soient oubliés au profit des expériences de défaite.En faisant la synthèse de toutes les recherches consacrées à la révolution portugaise de 1974-1975, l'historienne Raquel Varela (Universidade Nova de Lisbonne) renouvelle profondément le regard posé sur cet événement majeur du XXe siècle. Elle restitue notamment l'importance des luttes anticoloniales antérieures et remet au premier plan l'intensité de la mobilisation des ouvriers et des habitants pendant dix-neuf mois face au pouvoir en place. Le coup d'État de novembre 1975 qui met fin au processus révolutionnaire ne pourra pas remettre en cause ce surgissement massif ni l'idée, durable, que cela fut possible.