Après avoir été porteurs d'eau et livreurs de bain à Paris, les migrants de l'Aubrac y ouvrent sous le Second Empire des boutiques de vins-bois-charbons : les bougnats. Ils livreront fidèlement le charbon aux Parisiens jusqu'aux années 1970. Leur histoire, c'est celle, douloureusement précaire, de déracinés voués aux métiers les plus pénibles, quittant leurs villages pour une capitale dans laquelle ils se découvraient, singuliers de langue et de culture, étrangers dans leur propre pays. Logés par des marchands de sommeil ou accueillis par des compatriotes, grimpant l'échelle sociale pour investir ensuite les cafés ou réduits à demander du secours aux associations charitables, fréquemment séparés de leurs enfants élevés dans le village natal, ils ont formé une société à part entière, avec ses codes, ses valeurs et ses solidarités. Sur la base de nombreux témoignages et de correspondances privées, Daniel Crozes restitue l'expérience collective d'une migration économique dont les effets continuent à se faire sentir aujourd'hui, tissant un lien profond entre tous ceux qui continuent de se réclamer d'un même Aubrac.